Influence Starfix

« Comme il y a des moments dans la vie d’un cinéphile où la vision de certains films modifie à jamais sa perception du septième art et intensifie son rapport à lui, je crois que Starfix, peut être plus que n’importe quel film, m’a poussé vers cet amour du cinéma. Dans quel autre journal pouvait-on à la fois s’extasier sur Bruce Lee et sur Thérèse ? Quelle autre revue pouvait défendre William Friedklin d’un côté, et Alain Resnais de l’autre ?… »

-Nicolas Rioult-

Il y a quelque temps est ressorti, dans une nouvelle édition, un fanzine particulier. Pour ce numéro de son zine Phantom, Nicolas Rioult avait décidé de consacrer une bonne poignée de pages à un nom fédérateur de la presse-cinéma française : Starfix. L’occasion de revenir sur l’influence de ce concept certain de la cinéphagie.

Un blaze qui sonne film de science-fiction iconique (Star Wars, évidemment), évolutions technologiques (les FX) et addiction (des passionnés pour qui le cinoche est comme un « fix »). Un cinéma, celui des années quatre-vingt.

Mais plus que l’époque qu’il représente (celle de tous les excès), ce qui ressort le plus clairement du magazine, c’est cette idée critique littéralement intemporelle, érigée en mot d’ordre et en code d’honneur.

Il s’agit dès le début de manger à tous les râteliers, d’éclairer non pas un seul cinéma (de genre, comme à Mad) mais un grand cinéma compilant tous les genres, un art qui peut être aussi bien celui d’un Verneuil que d’un Friedklin.

Peu importe le temps qui y est représenté (celui de l’ère Stallone/Spielby) tant que vit la plume, une plume chantant les divergences de points de vue par l’éclectisme enrichissant. Certains pourraient placer cet argument stupide : Gans et sa bande ont su non pas « bien parler » mais « parler au bon moment » (bien tomber en somme), c’est à dire à une période riche en révélations (Romero, Argento, Carpenter, McTiernan, Spielberg, Zemeckis, George Miller, Sam Raimi, Joe Dante et tant d’autres). Une absurdité tant il est évident que le souffle Starfix semble encore aussi jeune et vivifiant malgré les années passées.

De l’âge où l’on créé ses premiers films ou fanzines, les membres de la « starforce » ont décidé de bâtir entre potes quelque chose de nouveau, de dynamique, de pluriel. Un groupe d’amis qui ont tous entre dix-huit et vingt-trois ans, veulent, évidemment, faire bouger les choses, remuer les esprits (critiques), manger et parler cinéma. Avec la fougue, parfois la pose, et l’insouciance ultra-enthousiaste de la jeunesse.

Du coup, Mulcahy y est défendu à tort et à travers, presque comme un prophète. Zulawski y est vénéré. Chaque rédacteur se détache par une signature reconnaissable. Le goût de la théorie de Christophe Gans. Les sentences dithyrambiques de Boukrief. L’astuce du bon mot de François Cognard.  La discrétion élégante d’Hélène Merrick. Le ton plus posé de Frédéric-Albert Lévy, le « vieux » de la bande, ainsi qu’il aime être appelé. FAL est le prof au sein d’étudiants qui passent de Jean Girault à Gilles Béhat.

Starfix est vendu comme un « journal neuf », « riche et dynamique », au « nouvel état d’esprit », où « le monde de l’image rejoint celui de l’imagination », c’est « l’avènement d’une époque » par l’absorption incroyable de « toutes les facettes de l’univers cinématographique ». Cinéma, cinémas.

Peu à peu, au-delà des couvs parfois suicidaires (Stayin Alive !), enflammées (Beinex, Razorback, Highlander), dans l’aire du temps (Sophie Marceau et Lambert), se créé une pure symbiose de tous ces talents défendant par véritable militantisme une définition précise du septième art. Un mélange entre le militantisme (tout est politique, même le cinéma) le ressenti et la théorie : et, en somme, c’est cela, la critique cinéma, et rien d’autre. Une histoire de points de vues.

Le cinéma à défendre, c’est celui du mouvement, et non le truc sclérosé sans flamme ni braise.  A l’époque, Le Vol Du Sphinx, symbole d’un cinéma national moisi, est frontalement attaqué, et Lelouch, autre mouton noir, est lapidé. Le cinéma de papa, d’accord, mais le cinéma de papy, pas question !

Cela vous rappelle certainement quelque chose. Inconsciemment, par l’organisation d’une troupe d’inséparables bouffeurs de pelloches alignant séries B, auteurisme et blockbusters, par un défi systématique qui semble être celui du « un film = une idée = un papier », par tous ces débats, Gans et co furent les héritiers de la première génération Cahiers Du Cinéma, la team Truffaut, Godard, Rohmer… il y a chez Gans comme chez Truffaut cette affection pour la phrase qui retourne son lecteur comme un crêpe, lui conçoit des pistes, des ouvertures possibles, des propositions (comme aujourd’hui le font Yannick Dahan ou Rafik Djoumi).

Le réalisateur de La Nuit Américaine prouvait par A+B que tout mauvais film est un film réussi. Celui du Pacte Des Loups explique pourquoi Une Créature de Rêve, tout en étant un mauvais John Hugues, a des raisons thématiques à son échec (le film reflèterait l’idée de la jeunesse que se fait une société). Il est pareillement intéressant de le lire à propos de Body Double, pointant du doigt un cynisme qui détruit tout plaisir spectatoriel, une sorte de caricature trop radicale qui accoucherait d’un film « malsain ».

Au-delà de la qualité des textes, Starfix c’est l’influence, c’est l’idéal de la critique cinéma, la bonne façon de traiter de l’art, avec autant de panache que de réflexion, de recherche que de prose : dans un exemplaire de Starfix, tout semble fourmiller d’idées de cinéma. Se centrer sur un genre en particulier, c’est agir comme celui qui se cache déjà les yeux, raille les vieux de la presse mais n’en est pas moins aveugle en somme (ou veut l’être). Or, le mag co-fondé par Doug Headline a cette tendance à étaler sur la table une multitude d’ingrédients proposant l’éclectisme et donc l’ouverture des esprits endormis. De Cronenberg à Kubrick, de Chuck Norris à Jarmusch ! Même Boukrief le dit « c’était presque politique ».

Incontestablement, cela l’était !

Derrière la politique, Rioult semble presque parler de « foi ». Selon lui, et cela est terriblement juste, les starfixiens ressentaient une « croyance dans le cinéma ». Et c’est bien sûr pour cela qu’au fil des numéros, comme l’indique le metteur en scène du Convoyeur, « chacun remplissait le journal avec sa passion ». Foi, croyance, passion…

 Starfix, encore aujourd’hui, à l’heure où, malgré les titres encore restants (Positif, Les Cahiers) tout se passe sur la toile, ou les sites ont pris le pas sur les fanzines (mais la philosophie est la même), continue de faire rêver. De donner envie.

L’envie de défendre le rôle de la critique, de vivre cinéma, d’être starfixien dans son esprit, tout simplement.

Pas si éloigné que cela de Biette ou de Daney, il y a une galaxie influente, qui ne cesse de donner de l’espoir aux jeunes scribouillards : l’espace Starfix.

Clément ARBRUN

Poster un commentaire

Classé dans Uncategorized

Laisser un commentaire